À l’approche du prochain conclave, le nom du cardinal guinéen Robert Sarah revient avec insistance dans les discussions. Perçu par ses soutiens comme un « espoir » pour une Église en quête de repères, il est décrit par ses détracteurs comme l’antithèse du pape François. Conservateur assumé, ferme sur les valeurs traditionnelles du catholicisme, Robert Sarah incarne une Église fidèle à son ancrage doctrinal, bien loin des inflexions jugées progressistes du pontificat actuel.
Dans un monde marqué par les tensions culturelles et identitaires, le cardinal Sarah apparaît comme le porte-voix d’un catholicisme de tradition, enraciné dans une lecture civilisationnelle de la foi. Là où le pape François privilégie l’approche pastorale et l’ouverture aux marges, Sarah défend la structure, la règle et la continuité. Ce positionnement séduit une frange croissante de catholiques désorientés par les mutations contemporaines. Pour certains, l’heure serait venue d’un retour à l’ordre, à la rigueur et à la transcendance.
Ce qui frappe, c’est que cette vision conservatrice est aujourd’hui portée par un cardinal africain. Longtemps perçue comme plus progressiste, l’Église d’Afrique affiche désormais une ligne beaucoup plus ferme sur les questions de société. Refus du mariage homosexuel, attachement à la liturgie traditionnelle, critique de l’islam politique : les prélats africains rappellent aux Européens les dogmes qu’eux-mêmes ont contribué à transmettre. Sarah, en ce sens, bouscule les stéréotypes : il incarne un Sud global plus conservateur que le Nord post-moderne.
Cohérence intellectuelle et spirituelle
Sur la scène internationale, le cardinal Sarah bénéficie de soutiens notables. Des figures politiques conservatrices en Europe, comme l’eurodéputé polonais Witold Waszczykowski ou le vice-Premier ministre italien Antonio Tajani, voient en lui le garant des racines chrétiennes de l’Europe, souvent passées sous silence dans les textes fondateurs de l’Union. Son diagnostic est sans appel : l’Occident souffre d’une crise identitaire profonde, incapable de reconnaître l’héritage spirituel qui l’a façonné. Laisser se diluer cette mémoire, c’est, selon lui, préparer la voie à une forme de décadence civilisationnelle.
Rien n’indique cependant que le cardinal Sarah soit en position favorable pour accéder au trône de Saint Pierre. Nommés par le pape François, la majorité des cardinaux électeurs penchent davantage vers la ligne réformatrice actuelle. Mais la figure de Sarah reste puissante car il incarne une cohérence intellectuelle et spirituelle, une rigueur théologique doublée d’une expérience concrète du dialogue interreligieux, lui qui vient d’un pays à majorité musulmane.
Proche du pape Benoît XVI, le cardinal guinéen partageait avec lui le goût du silence, de la prière intérieure, de la liturgie solennelle. Son autorité morale s’étend bien au-delà de son continent, nourrie par un discours structuré, incisif, souvent dérangeant mais toujours enraciné dans une vision exigeante du christianisme.