La France durcit le ton face à la déferlante de colis en provenance de Chine. Dans un contexte marqué par un afflux massif de livraisons bon marché, le gouvernement entend mettre fin à un système jugé à la fois injuste pour les commerçants français et nuisible pour les finances publiques.
Ce jeudi, quatre ministres, dont Amélie de Montchalin, se sont rendus à Roissy pour annoncer une série de mesures contre les géants du e-commerce comme Shein, Temu ou encore AliExpress. L’objectif affiché est de renforcer les contrôles, sensibiliser les consommateurs et mettre fin à l’exemption de droits de douane pour les colis de moins de 150 euros. Une mesure portée à l’échelle européenne, qui pourrait devenir effective d’ici 2028.
Les chiffres donnent le vertige. En 2024, 800 millions de petits colis de moins de 150 € ont été livrés en France, soit deux fois plus qu’en 2023. Cela représente plus d’un colis sur cinq distribué par La Poste. Les Français ont dépensé près de 4,8 milliards d’euros sur ces plateformes au cours des douze derniers mois. Au niveau européen, 145 colis sont livrés chaque seconde, et 91 % d’entre eux proviennent de Chine.
Ce succès s’explique d’abord par les prix imbattables. Quelques euros suffisent pour une robe, des chaussures ou des accessoires. Ces produits bénéficient de l’exonération des droits de douane en dessous de 150 €, échappent souvent à la TVA, et sont expédiés à bas coût grâce à des accords logistiques internationaux. Résultat : les plateformes chinoises représentent désormais un quart des ventes de vêtements en ligne en France, devant H&M ou Zara.
Derrière les prix cassés, des coûts cachés
Si ces achats séduisent par leur prix, ils soulèvent de nombreuses inquiétudes. Travail forcé, conditions de fabrication opaques, impact environnemental massif lié à la surconsommation et aux livraisons quotidiennes, mais aussi érosion du commerce local. Les commerçants de centre-ville, déjà fragilisés, voient leur modèle menacé, tandis que les plateformes de livraison délaissent les points de retrait traditionnels pour des casiers automatisés, souvent situés en périphérie.
D’un point de vue économique, la France y perd également sur le plan fiscal. Une grande partie de ces ventes échappe à la TVA, et la concurrence est jugée déloyale face aux acteurs français qui doivent supporter les charges sociales, fiscales et environnementales. L’industrie textile française, déjà affaiblie, peine à résister face à une « fast fashion » vendue à prix dérisoires.
Face à ces déséquilibres, le gouvernement français plaide pour une action coordonnée au niveau de l’Union européenne. La fin de l’exonération des droits de douane, la lutte contre la fraude à la TVA, et une meilleure traçabilité des produits importés figurent parmi les priorités. Mais la France ne peut agir seule, et devra convaincre ses 26 partenaires européens d’adopter une stratégie commune.
Le commissaire européen Thierry Breton a alerté sur les risques d’invasion commerciale, notamment en cas de guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis. La Chine pourrait alors se tourner massivement vers le marché européen pour écouler ses stocks à bas prix, renforçant la pression sur les industries locales.
Un choix citoyen et économique
La question posée aux consommateurs reste ouverte : faut-il continuer à privilégier le bas prix au détriment de l’économie locale et de l’environnement ? Aujourd’hui, seulement 3 % des vêtements achetés en France sont fabriqués sur le sol national. Derrière chaque produit à 3 €, se cache une chaîne de valeur peu transparente, souvent aux dépens de normes sociales ou écologiques.
Le débat est lancé, entre pouvoir d’achat, souveraineté économique et responsabilité environnementale. Une chose est sûre : le modèle des colis chinois bon marché atteint ses limites, et la riposte européenne pourrait bien rebattre les cartes du commerce en ligne.