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Chronique

Guinée-Bissau : la CEDEAO face à un nouveau défi

Par
Paul Arnaud DEGUENON

La crise politique en Guinée-Bissau prend une tournure préoccupante avec la prolongation controversée du mandat du président Umaro Sissoco Embaló. Alors que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) tentait de rétablir le dialogue à travers une mission diplomatique, celle-ci s’est heurtée au refus catégorique du chef de l’État, qui est allé jusqu’à menacer d’expulser les émissaires de l’organisation sous-régionale.

Depuis son indépendance, la Guinée-Bissau peine à trouver une stabilité politique durable. Coups d’État à répétition et tensions institutionnelles ont jalonné son histoire. L’élection d’Embaló en 2020 s’était déjà déroulée dans un climat contesté, avec une bataille juridique entre la Cour constitutionnelle et la Commission électorale nationale. À l’époque, la CEDEAO avait joué un rôle clé en soutenant son accession au pouvoir.

Mais aujourd’hui, le président bissau-guinéen se retrouve en conflit avec cette même organisation. Officiellement investi le 27 février 2020, son mandat de cinq ans devait s’achever en février 2025. Or, il affirme que la validation tardive de son élection par la Cour constitutionnelle, intervenue en septembre 2020, lui permet de rester en poste jusqu’en septembre 2025. Une interprétation que l’opposition dénonce comme un « coup d’État constitutionnel ».

Ce qui frappe les observateurs, c’est le revirement d’Embaló vis-à-vis de la CEDEAO. Celui qui, entre 2022 et 2023, dirigeait l’organisation sous-régionale avec une posture intransigeante contre les régimes militaires au Mali, au Burkina Faso et au Niger, prônant le respect strict des règles démocratiques, semble aujourd’hui prêt à contourner ces mêmes principes pour se maintenir au pouvoir.

Ce retournement met la CEDEAO dans une situation délicate. Fragilisée par les départs du Mali, du Burkina Faso et du Niger, l’organisation peine déjà à imposer son autorité. Face à la crise bissau-guinéenne, sa réponse s’est limitée à un communiqué et à une mission diplomatique qui s’est soldée par un échec.

Une CEDEAO en perte d’influence

L’impasse en Guinée-Bissau montre à bien égard le déclin de l’influence de la CEDEAO. Autrefois perçue comme un pilier de la stabilité démocratique en Afrique de l’Ouest, elle est aujourd’hui critiquée pour son manque de cohérence et son incapacité à faire respecter ses décisions. Embaló, qui maîtrise les rouages de l’organisation, semble convaincu qu’il peut la défier sans conséquences.

L’envoi d’une force d’intervention, comme cela avait été fait en 2023, apparaît peu probable. La division interne de la CEDEAO, aggravée par les récents départs et l’opposition croissante à toute ingérence étrangère, réduit considérablement sa marge de manœuvre. La situation pourrait déboucher sur une crise encore plus profonde. En s’accrochant à son poste et en repoussant l’échéance électorale, Embaló alimente un climat de tension qui pourrait dégénérer en instabilité majeure.

Sur le plan économique et social, le pays peine également à se redresser. L’agriculture, secteur clé, n’a connu aucune transformation significative sous son mandat. Les infrastructures sanitaires et industrielles restent en souffrance, tandis que l’opposition, forte d’une majorité au Parlement dissous, n’entend pas céder. Un affrontement politique semble inévitable.

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