À quelques mois de la présidentielle de 2025, les principales forces politiques ivoiriennes semblent reculer plutôt qu’avancer, a estimé le journaliste Hermann Aboa dans une publication sur sa page Facebook, ce jeudi 24 juillet 2025.
Derrière les discours d’unité, de renouveau ou de loyauté, un malaise commun affleure : aucun des trois principaux partis, PPA-CI, PDCI-RDA et RHDP, ne parait prêt à organiser une véritable transmission du pouvoir. Chacun à sa manière bloque la relève. Et à force de retarder l’inévitable, la Côte d’Ivoire pourrait bien préparer, sans le dire, sa propre terre brûlée politique.
PPA-CI : prisonnier de l’héritage Gbagbo
Au Parti des Peuples Africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), toute tentative d’anticiper une éventuelle inéligibilité de Laurent Gbagbo se heurte à un mur. La proposition d’Ahoua Don Mello d’une candidature de précaution a été sèchement écartée. Le simple fait d’y penser est considéré comme une trahison. Résultat : le parti donne l’impression de préférer le vide à la relève, comme si l’héritage de Gbagbo devait se limiter à sa seule personne. Aucun plan B, aucune ouverture. Le temps politique semble figé.
PDCI-RDA : une relance en suspens
Du côté du PDCI-RDA, l’élection de Tidjane Thiam à la tête du parti avait suscité un espoir fort. Celui d’un nouveau départ, d’une reconquête possible. Mais aujourd’hui, Thiam n’est toujours pas inscrit sur la liste électorale, ce qui, à ce stade, le rend inéligible. À un mois du dépôt des candidatures, fixé au 25 août 2025, le risque devient concret : celui d’un PDCI sans candidat ou contraint de bricoler dans l’urgence. L’effet Thiam, qui devait galvaniser les bases, pourrait vite s’effondrer face aux pesanteurs administratives et aux lenteurs internes.
RHDP : la succession étouffée
Quant au RHDP au pouvoir, le scénario n’est pas plus rassurant. Le président Alassane Ouattara reste le centre absolu autour duquel tout gravite. Si l’idée d’une alternance est parfois évoquée dans les couloirs, elle n’est jamais affirmée publiquement. Aucun dauphin ne s’impose, aucun nom ne sort du lot. Et pour cause : les ambitions sont soigneusement contenues, les profils prometteurs mis en attente ou neutralisés. Le mot d’ordre est clair : tant que le chef est là, tout le monde se tait. Une loyauté totale, mais stérile. Et une question qui grandit en silence : « Et après lui ? »
Un pays à l’arrêt politique ?
Trois partis. Trois dynamiques différentes. Un même blocage : l’absence de préparation de la relève. La transmission du pouvoir, qu’elle soit symbolique ou institutionnelle, est systématiquement repoussée. Comme si aucun leader ne voulait ou ne pouvait faire advenir l’après. Une génération politique refuse de lâcher prise. Et ce refus pourrait bien engendrer le chaos qu’elle prétend vouloir éviter.
Car en politique, l’absence de stratégie de succession n’est jamais neutre. Elle prépare des affrontements, des crises, des ruptures. Ce qu’on appelle la stratégie de la terre brûlée : « Si ce n’est pas moi, il n’y aura personne. » Mais un pays ne se gouverne pas sur une menace. Encore moins sur un vide.
À mesure qu’octobre 2025 approche, la Côte d’Ivoire s’avance sans boussole vers une élection à haut risque. Non pas à cause des électeurs, mais faute de leaders capables de penser l’avenir. Refuser la relève, c’est toujours prendre le risque de l’effondrement. Le pays mérite mieux que le silence des héritiers et les hésitations des chefs. Il est temps, enfin, de préparer l’après.