Dans une décision qui pourrait bien faire date, le Tribunal de commerce de Cotonou a récemment statué en faveur des héritiers bailleurs, condamnant un locataire à débourser plus de cinquante-trois millions de francs CFA pour loyers impayés. Ce verdict s’inscrit dans le cadre d’un litige qui remonte à près de quinze ans, un exemple frappant des tensions qui peuvent naître dans les relations locatives.
L’affaire trouve son origine dans un bail commercial signé en avril 2007, entre un groupe d’héritiers et un locataire, portant sur un ensemble immobilier comprenant un magasin, une boutique et une salle d’exposition, localisés dans le quartier dynamique de Saint Michel à Cotonou. Initialement prévu pour une période de trois ans, le contrat stipulait un loyer mensuel de 300 000 FCFA, assorti de conditions de renouvellement précises. Pourtant, à l’issue de sa première échéance en 2010, le locataire n’a pas pris le soin de renouveler le bail officiellement, mais a choisi de maintenir son occupation de manière unilatérale.
Face à la lente dégradation de cette relation commerciale, les héritiers ont tenté, à plusieurs reprises, de récupérer les lieux par des moyens amicaux, mais leurs efforts sont restés vains. Le locataire, qui se montrait déjà peu régulier dans ses paiements, a progressivement cessé toute forme de versement de loyer. Au final, il a accumulé une dette colossale représentant 177 mois de loyers, soit un montant total de 53 100 000 FCFA.
Dans un retournement de situation, le locataire a finalement laissé les lieux, tout en conservant les clés en sa possession. Pour faire face à ce déni de droit, les bailleurs ont dû solliciter un huissier afin de constater l’occupation des locaux, et ont obtenu une ordonnance pour procéder à une ouverture forcée. En réponse, le locataire a tenté de faire opposition aux démarches de cession, évoquant une procédure en cours contre les héritiers pour un prétendu dédommagement.
Ne voyant d’autre option que celle de saisir le tribunal de commerce, les plaignants ont demandé la résiliation du bail, le paiement des loyers en souffrance, une astreinte quotidienne d’un million de francs CFA en cas de résistance, ainsi qu’une indemnité de dix millions FCFA pour couvrir les frais non remboursables.
Lors de l’audience, le locataire n’est pas apparu et n’a pas présenté de défense, ayant récemment mis fin à son mandat avec son avocat. Le tribunal a donc conclu que, sans renouvellement formel du contrat, l’occupation du locataire était totalement illégitime. La décision prise a conduit à son expulsion immédiate, tout en l’obligeant à régler intégralement la somme due de 53 100 000 FCFA.
Le jugement a également stipulé le paiement de deux millions FCFA pour les frais irrépétibles, justifié par une « mauvaise foi manifeste » du locataire, laquelle a engendré des coûts additionnels pour les héritiers. Enfin, le tribunal a prononcé l’exécution provisoire du jugement pour la moitié des sommes dues, laissant entrevoir la possibilité d’une résolution rapide de ce conflit.