Reporters sans frontières (RSF) a vivement réagi à l’arrestation en Côte d’Ivoire du journaliste béninois Hugues Comlan Sossoukpè, réfugié politique au Togo depuis 2021, et à son extradition vers le Bénin, survenue dans des conditions jugées opaques et illégales.
Connu pour ses enquêtes critiques sur les autorités béninoises, Sossoukpè dirige Olofofo, un média d’investigation interdit au Bénin depuis mars dernier. Il avait fui son pays en 2019, après avoir documenté les législatives controversées de la même année. Il a obtenu l’asile politique au Togo en 2021.
Le journaliste avait été invité officiellement à Abidjan par le ministère ivoirien de la Transition numérique pour couvrir un salon régional sur l’innovation digitale. Arrivé le 8 juillet, il logeait à l’hôtel Palm Beach, un établissement appartenant au Fonds de prévoyance militaire (FPM) de Côte d’Ivoire. Il commence alors sa mission journalistique.
Mais le 10 juillet au soir, des policiers ivoiriens interviennent dans sa chambre d’hôtel. Selon les informations recueillies par RSF, il est d’abord réticent, avant d’accepter de les suivre sous la promesse d’une présentation devant un juge. Il est en réalité conduit directement à l’aéroport Félix Houphouët-Boigny, dans le salon d’honneur normalement réservé aux officiels. Il est ensuite embarqué, sans décision judiciaire, à bord d’un avion privé affrété pour l’occasion.
Arrivé à Cotonou à 22h, il est immédiatement placé en garde à vue, puis présenté à un juge d’instruction le lendemain matin. Celui-ci lui notifie un mandat d’arrêt émis par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET). Trois chefs d’accusation sont évoqués : harcèlement par système informatique, rébellion et apologie du terrorisme. Le journaliste est depuis incarcéré à la prison de Ouidah.
Son avocat, Me Serge Pognon, assure qu’il se porte bien, mais se dit profondément choqué par ce qu’il qualifie de « piège tendu » par la Côte d’Ivoire. Sossoukpè avait, ces derniers mois, alerté RSF sur des menaces récurrentes, même en exil.
RSF dénonce une arrestation illégale et une extradition contraire au droit international, son statut de réfugié étant clairement indiqué dans son passeport. « Nous exigeons des explications des autorités ivoiriennes, jusqu’ici silencieuses, et appelons à la libération immédiate du journaliste », a déclaré l’organisation. Elle accuse les autorités d’Abidjan d’avoir sciemment collaboré à une opération de répression politique transfrontalière.
Sollicité par RSF, le porte-parole du gouvernement béninois, Wilfried Léandre Houngbedji, a simplement déclaré que le journaliste « aura l’occasion de répondre des faits qui lui sont reprochés », sans commenter les conditions de son arrestation. Du côté ivoirien, le ministre de la Communication Amadou Coulibaly n’a pas donné suite aux demandes de l’organisation.